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Introduction

Nous sommes aujourd’hui bien en peine de qualifier l’année 2022, les années 2020 et 2021 étant déjà présentées comme des années «exceptionnelles» et «intenses» vu l’impact majeur de la crise Covid sur nos opérations de terrain.

Cette année 2022 fut pourtant inédite à bien des égards.

L’éclatement de la guerre en Ukraine d’abord, et l’arrivée à Bruxelles de milliers d’exilé·e·s, souvent des familles avec enfants, dont nombre étaient désœuvré·e·s à leur arrivée dans la Capitale. Nos équipes étaient ainsi présentes chaque jour à la gare du Midi pour les accueillir et les rassurer dès leur sortie du train en provenance d’Allemagne, les orienter et les héberger dans nos centres d’urgence. En 2022, le Samusocial[1] a hébergé plus de 2600 réfugié·e·s ukrainien·ne·s juste après leur arrivée à Bruxelles, avant leur procédure d’enregistrement.

La crise de l’accueil ensuite. Au départ nommée à tort par certains comme la «crise de l’asile» ou la «crise migratoire», cette crise est d’abord celle de l’incapacité de l’État à remplir ses obligations en termes d’accueil des demandeurs·euses de protection internationale. Nous en parlions dès le changement de régime en Afghanistan qui a vu le nombre de demandeurs d’asile augmenter considérablement. Suite à cela, le Samusocial décidait, dès décembre 2021, d’ouvrir un centre de 70 places en urgence, encore ouvert à l’heure d’écrire ces lignes. En 2022, cette crise est allée en s’empirant, notre équipe mobile est ainsi venue chaque soir en aide à ces centaines de personnes qui se retrouvaient en rue, dans les campements de fortune le long du canal ou à proximité du boulevard Pacheco et dans les occupations précaires d’immeubles.

La multiplication des occupations précaires ou temporaires, avec ou sans convention, est devenue une réalité majeure à Bruxelles, renforcée en 2022 par cette crise de l’accueil qui a contraint des centaines de demandeurs·euses d’asile à trouver des alternatives pour ne pas devoir passer la nuit dehors. Face à cette réalité grandissante, nous avons mis en place «Cover», une équipe mobile de veille sanitaire et de réduction des risques, opérée conjointement avec le projet Lama, notre partenaire dont le cœur de mission est l’accompagnement thérapeutique de toxicomanes en milieu urbain. Tout nous indique aujourd’hui que ce type de dispositif «outreach» devra encore être renforcé à l’avenir.

Cette année, plus que jamais, les réalités observées et les besoins relevés sur le terrain nous ont confirmé la nécessité de pouvoir appréhender et développer nos missions en considérant avec une seule paire de lunettes les problématiques liées au «sans-abrisme» (financées par la Région via la Cocom) et à l’asile et aux migrations (principalement financées par le Fédéral). Chose inédite, nous avons pour la première fois accueilli des demandeurs·euses de protection internationale dans nos centres d’accueil pour personnes sans abri. Les problématiques s’enchevêtrent en effet. Dès lors qu’un·e demandeur·euse d’asile devient de facto sans abri, il est logique que nous décloisonnions nos opérations afin de les ajuster au plus près de la réalité des besoins de terrain.

Sur le terrain, le travail mené par nos équipes rend bien compte de l’ampleur des besoins et des actions menées pour y répondre. Sur 11 342 personnes accueillies par le Samusocial en 2022, 6553 sont des personnes sans abri et 2149 sont des demandeurs·euses de protection internationale. Sur les 6533 personnes sans abri, 1614 ont été orientées par nos équipes vers des solutions de sortie de rue. Rappelons-le encore et encore, lorsque l’on connaît la complexité de certaines situations de personnes que nous aidons, ce résultat souligne l’importance de prévoir une offre d’accompagnement dans chacune de nos structures d’accueil.

2022, c’est également et encore ce constat inquiétant du nombre important de familles sans abri, souvent monoparentales (femmes avec enfants), et de femmes isolées, souvent victimes de violences conjugales. Malgré une capacité de plus de 400 places pour familles à l’entame de l’hiver, nos équipes doivent parfois pousser les murs pour ne pas refuser ce public particulièrement vulnérable.

La question des sans-papiers et des personnes en situation irrégulière reste également centrale, maintenant des centaines de personnes sans alternative à la rue et aux centres d’urgence. Nos équipes suivent parfois depuis des années des personnes sans papiers, qui se chronicisent dans l’errance faute de possibilité d’insertion, et dont la situation ne laisse présager aucune autre perspective que de vieillir sans abri.

Le sans-abrisme est un phénomène protéiforme. Il se manifeste par des personnes en rue, dans les espaces publics, dans nos gares, d’autres dans des squats, organisés ou plus clandestins. Il concerne autant des familles avec enfants, des femmes victimes de violences conjugales, des jeunes en rupture familiale, des exilé·e·s, des personnes souffrant d’assuétudes et/ou de troubles psychologiques ou psychiatriques… et de nombreuses autres situations encore. À travers nos 14 structures d’hébergement et nos trois dispositifs d’intervention mobile, nous tentons d’offrir une réponse la plus proche possible des spécificités de chacun. Le défi reste toutefois immense et permanent pour nos équipes de terrain qui doivent faire preuve d’une souplesse parfois éreintante afin de répondre comme nous le pouvons aux enjeux actuels.

[1] Par souci de lisibilité et de cohérence avec notre communication externe, l’appellation «Samusocial» est utilisée dans le présent rapport en lieu et place de l’appellation juridique officielle «New Samusocial».